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DENIS DE MOT

Voilà bien un artiste qui sort de l’ordinaire. Il n’est figuratif que par allusion. Et il est abstrait, mais en se référant à des choses de la nature qu’il contemple à travers le filtre de sa sensibilité. Donc la distinction figuration-abstraction, si habituelle depuis un siècle, ne recouvre nullement l’essence de son œuvre. Mais où a-t-il donc trouvé son inspiration, quand il s’est mis à peindre en autodidacte, il y a vingt-cinq ans ?

Lorsque l‘on écoute l’artiste interrogé à présent par Caroline Bricmont (après deux autres catalogues de 2009 et 2016, dans lesquels l’artiste répondait aux questions de Martine Ehmer et Yves De Vresse), on comprend combien compte pour lui le rapport conflictuel, mais si fécond, entre ligne et surface, entre trait dessiné et l’ensemble coloré qui l’accueille. Qu’adviendra-t-il de cette confrontation adverse ? A n’en pas douter, c’est la question que se pose journellement Denis De Mot lorsqu’il peint, cette fois en dehors de toute référence figurative.  Et c’est ce qu’il résout ! Encore que les imaginations formelles de l’artiste pourraient correspondre intuitivement à des assemblages inconnus de la nature !

Denis De Mot appartient à une génération d’artistes belges qui ont produit un art des plus féconds, ce que la Fondation Gaston Bertrand a reconnu en lui, lorsqu’en 2021, celle-ci lui attribua son Prix bisannuel.

Serge Goyens de Heusch – Octobre 2022

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Denis De Mot : Peintures 2017-2022

Pour avoir côtoyé Denis De Mot (1955) et son travail depuis une vingtaine d’années, hasardons-nous à débusquer dans sa démarche l’esprit – la constance – qui y prévaut, encore et toujours.

Ce peintre autodidacte définit son travail comme un exercice de la lenteur magnifiée sur le territoire que constitue son support dans l’esprit du all over américain qu’il affectionne. C’est là où le Temps (long) rejoint l’Espace et son infinité. C’est là aussi où le temps court du geste proprement dit génère trace de mouvement et vitalité.

Le support travaillé jusqu’au tréfonds de sa substance en témoigne. Il peint par strates de médiums, amorçant la composition avec le plus résistant d’entre eux (une base acrylique), pour suivre avec un autre plus meuble (la gouache). Il procède par incisions, griffures conjuguées à la répétition d’exercices de ponçage; elles vont de pair avec l’indispensable attente calibrée d’après la nature spécifique de chaque medium. « C’est évoquer les accidents de l’existence », dit-il. Une œuvre de spiritualité et de recherche confiante.

En quoi les cinq dernières années se démarquent-elles pour leur singularité ?

L’intention de l’artiste reste toujours de « faire réapparaître le passé » ; la mémoire est mise à l’épreuve du temps.

Il nous apparaît que Denis De Mot aurait peut-être croisé la définition du Temps de Platon.

« Le Temps est l’image mobile de l’Eternité, immobile ».

Les dernières compositions en date semblent renvoyer de manière allusive à ce mariage idéel du Temps et de l’Espace.

L’artiste nous convie à cette prise de conscience au travers de sa symbolique personnelle.

L’observateur remarque une planéité plus marquée des fonds, quasi exempts de ces accidents ou aspérités du passé. Une manière de mettre en évidence ce Temps long confinant à l’Eternité. Un concept défini par l’homme de manière balbutiante ? L’artiste, lui, nous en livre sa vision faite plus d’une fois de monochromes moirés de gris.

Le temps du geste connaît à son tour un rendu renouvelé. Il s’agit de ces traits faits aujourd’hui d’entrelacs ou de maillages complexes, articulés en quadrilatères ou triangles visuellement comme arrimés par des tendeurs.

Leur allure floutée et leur répétition nous parlent de mouvement, voire, à un niveau spirituel, ne nous renvoient-ils  pas à une attente active aux enjeux indicibles.  

Ce faisant, Denis De Mot introduirait une profondeur de champ, une dimension à valeur symbolique, jusqu’ici inédite ?

Temps long et Eternité se marient au Temps de la Vie, sa précarité, mais aussi à la quête conquérante de sens qui l’anime.

Michel Van Lierde, collectionneur – octobre 2022

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La peinture de Denis De Mot se veut une métaphore du temps et de son implacable travail de « marquage » des êtres au monde, dans leur phase « vivante » ou historique. Ce thème y est appréhendé comme une convention dont le libellé nécessite de l’observateur une lecture à la fois rationnelle et émotionnelle. Temps « lent » ; temps « rapide ». Moments intenses de bonheur fugace. Stigmates de douleurs et cicatrices. Autant de repères pour la mémoire, laquelle agit comme un fil rouge présidant à l’intime  réflexion du peintre sur la condition humaine.

Aspérités matiéristes, zones planes, creux, incises, lacérations habitent littéralement les pigments, acryliques et gouaches. Les œuvres scandent tantôt la patience éprouvée en ces temps d’arrêt -ces recueillements-, tantôt elles vibrent au rythme du geste porteur de l’envol du trait.

Dans ses fonds, Denis De Mot s’exprime le plus souvent dans une gamme chromatique sourde, laissant la part belle aux beiges, aux gris, aux bruns grège, aux rouges et terracotta. Son versant apollinien ?

Plus d’une œuvre révèlent – en rupture – des bleus vifs, parfois des jaunes et des verts profonds. Son versant dionysiaque ?

Michel Van Lierde,
Collectionneur, avril 2016

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Probablement vous souviendrez-vous des expositions de l’artiste peintre Denis De Mot, tenues au Petit Sablon en novembre 2009 et chez Philippe Marchal, à « Libre Choix » en septembre de l’année dernière. J’ai eu l’occasion déjà de mettre en évidence auprès de vous un certain nombre de « dominants » dans cette œuvre…

Une oeuvre caractérisée par la « lenteur ». Laquelle ? Au-delà de la dimension chronologique applicable à l’acte de peindre osons parler ici aussi d’une « lenteur spatiale ». Quid ? Celle qu’éprouverait un spectateur contemplant le résultat de l’étalement par le peintre -en superpositions- de pellicules fines d’huile, de gouache, d’acrylique notamment. Leurs profils siccatifs variables rendent possible l’affleurement de reliefs aléatoires strates par strates.

 A l’instar d’un René Guiette, Denis De Mot trace des signes (qui) se perçoivent comme des équivalences de sa vie intérieure et de sa méditation.

Dans les œuvres récentes, l’on retrouve peut-être plus qu’auparavant –au titre de « signes » ces hachures, ces traits, ces stries ou sillons. Ils sont les indices d’un temps plus « rapide ». Ce serait le temps qui scande le geste du peintre. Un geste devenu invisible bien sûr mais qui serait « l’âme » du trait lui-même.

Dans ses fonds surtout, Denis s’est exprimé longtemps dans une gamme chromatique sourde, laissant la part belle aux beiges, aux gris, aux bruns grège et terra-cotta.

Aujourd’hui plus d’une œuvre révèle la présence de rouges ou de bleus vifs. Des jaunes et des verts soutenus.

Si la dimension spirituelle de l’œuvre ne fait point de doute, peut-être s’agit-il dans ses évolutions récentes d’une trace accentuée du passage « par là » d’un Dionysos expressionniste qui aurait invité Apollon la Raison à lui faire « un peu plus de place » ?

Michel Van Lierde,
Collectionneur, septembre 2011

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Les peintures sur panneaux de PVC de Denis De Mot dénotent un sens inné de l’harmonie et de l’élégance. En soi, l’œuvre n’a rien de révolutionnaire; au contraire, elle irradie d’un calme méditatif.

Naturellement, nous n’aurions pu contempler ce travail avec autant de fascination, s’il n’y avait de-ci de-là quelque indiscipline pour rendre la surface peinte intéressante. Ratures, irrégularités, pelures, … Comme si les œuvres exposées faisaient partie d’une plus grande réalité. La beauté des surfaces rugueuses s’accorde ici de subtilité chromatique. La grande classe.

Yves De Vresse,
Critique d’art, juin 2008

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Denis De Mot montre des séquences de planéité. Il balise un parcours terrien. Et les respirations ocres, la densité rouge tatouée d’un léger cerne blanc, la vibration d’une partition grise très tactile, la saison de glèbe effritée en son sommet… tout nous parle de la présence au monde. L’œuvre de De Mot est cette planète où les ruisseaux baignent à plein humus. De Mot n’est pas un réaliste et pourtant son unique et inlassable drapeau est couturé de sillons et de ferveur terrienne. A regarder comme un blason de fertilité promise.

Jo Dustin,
Critique d’art, mai 2008

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Denis De Mot fait face et fait front à sa manière qui est celle de la longue patience. Il avoue être un lent, je dirais plus volontiers un sage car ce peintre utilise le temps qui passe comme base de données d’une recherche jamais terminée.

Sur des panneaux en PVC, avec des couleurs modestement présentes, il accroche des restes du temps, des signes et des ombres, des choses discrètes mais essentielles et le visiteur part dans le temps écoulé.

Présent aux cimaises depuis quelques années déjà, il n’en finit pas de revisiter les traces imperceptibles que laisse la vie. Il les traite de manière très réfléchie et avec une attention toute particulière pour l’aspect final qui tient du fondu enchaîné et d’une dissimilation qui trompe le regard et le détourne de vérités trop crues et de certitudes absolues.

Loin des couleurs fortes, Denis De Mot, autodidacte acharné, avoue « construire du temps ».

Anita Nardon,
Critique d’art, mai 2008